Août 5 2020

NON-PENSEE ET INSOUMISSION

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La vie semble souvent se résumer à un passage d’un état à un autre, de son en silence, de mouvement en immobilité, de pensée en non-pensée, d’agitation en tranquillité; il y a un fort sentiment de discontinuité, d’inharmonie, d’impermanence, d’absence de sens… Et le recherche est incessante: pris dans la pensée, nous voulons la non-pensée; pris dans le mouvement, nous voulons l’immobilité; pris dans le vacarme, nous voulons le silence; pris dans la veille, nous voulons le sommeil; et bien entendu, ça marche aussi en sens inverse. Nous semblons pris sans cesse les pieds dans les fleurs du tapis, pris dans le dualisme, c’est-à-dire dans les extrêmes. Et sitôt que nous entendons cela, eh bien nous cherchons le milieu…

Les extrêmes (vie et mort, veille et sommeil, son et silence, mouvement et immobilité, etc…) ne sont en fait qu’une production de l’esprit, déconnecté du « sentiment » de présence, du moi qui a besoin de se poser sur quelque chose (ou sur UN rien) afin d’être lui-même UN quelque chose ou UN rien. Nous vivons dans les images d’un miroir qui se renvoient sans cesse et se confirment. Et ceci nécessite une quantité énorme d’énergie pour faire illusion.

C’est pourquoi je tentais, pour ceux que ça intéresse, de faire une différence entre la pensée et LE penser. L’expérience commune qui semble régir la pensée, c’est un extrême, ou un couple d’extrême, qui est « production-cessation ». Elle est sans cesse habitée du spectre du penseur, lequel ne peut se maintenir que grâce à l’objet de la pensée, la visée… Alors la pensée finit toujours par se poser, repos apparent du penseur, puis vide angoissant, et retour au dynamisme… Et c’est la simple présence qui est occultée, toujours cherchée à travers un quelque chose ou son corollaire, un rien.

Il faut comprendre intimement, sensitivement et intuitivement que la présence, ou le non-soi, ne saurait être prise dans le jeu des contraires et être liée ou dépendante de la présence de quelque chose ou la présence de rien. Mais ce qui nous coupe de « l’émotion » fondamentale du non-soi, qui est absence de localisation, de demeure, c’est le dynamisme du penseur, qui se cherche dans les choses qu’il fixe à travers une pensée. Il vit dans un monde de pensées-formes, dans un mirage fait d’allées et venues, de production et cessation, de fatigue…

Puisqu’il a été question dans de récents commentaires de l’absence de pensée, je souhaite dire que pour moi, la non-pensée n’a rien à voir avec l’absence de pensER, que l’immobilité n’a rien à voir avec l’absence de mouvement, que le non-soi n’a rien à voir avec l’absence du sentiment intime d’être, du Sens-Je, etc… Le non-soi est juste une libération des extrêmes, de l’acceptance inconditionnelle que dans leur apparence seule réside leur réalité, sans substance. Le non-soi est la fondamentale émotion de l’existence qui hante le flux émotionnel, l’absence de localisation qui permet et hante toutes les localisations, l’absence du penseur qui permet l’harmonie sans interruption DU penser, l’absence de regard qui permet et hante le Voir, les ténèbres du sommeil qui permettent et hantent la luminosité de la veille, et dont chaque instant témoigne la coïncidence, l’actualisation. La non-pensée est donc la libération du penser fondamental, sans début ni fin, présence vivante. Un penser sans sujet ni objet, plus soumis à l’impermanence mais brillant sensitivement comme l’Impermanence même.

(La voie du milieu n’existe pas, puisqu’elle consiste juste en l’évacuation des extrêmes, c’est-à-dire dans leur acceptance en tant que pure apparence).

Cette sensitivité est, si je puis rajouter un mot, votre insoumission à tout disours ou loi, au sein d’une vaste et infinie acceptance; elle est la vie dans le spectre de l’Être. Cette sensitivité est votre trésor, qui sépanouit dans et en tant que ce qui est.

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