Oct 22 2020

La vision de la corde dissout le serpent.

« Lorsque vous sentez une tension, vous n’avez pas le choix. Quand vous vous mordez la langue, vous ne pouvez pas revenir en arrière, sentir la réaction dans toute la structure du visage, ou plus. Savoir s’il était justifié de se mordre la langue, si c’était une erreur, si vous méritiez de vous mordre, est un questionnement qui a son intérêt, mais il vaut pour les gens qui n’ont pas mal à la langue.

Avec la douleur, vous n’avez pas le temps de réfléchir au pourquoi. Vous restez avec la sensation de la langue… Que se passe-t-il ? La langue mordue n’est pas quelque chose de statique ; c’est une vibration, une masse électrique, des éclairs qui jaillissent dans tous les sens… Votre système physiologique est fait de telle manière que vous n’avez rien à faire pour ressentir cette réaction. Vous n’avez pas à vous concentrer sur la langue pour sentir ce qui s’y passe.

Vous remarquez également que, lorsque vous vous mordez la langue, le goût des aliments dans la bouche, la musique que vous écoutez, le film que vous regardez perdent pendant quelques instants de leur substance. Ils deviennent sensoriellement secondaires par rapport à votre sensation de la langue. Vous n’avez donc pas à choisir d’arrêter ceci ou d’arrêter cela. C’est la langue qui choisit, c’est la langue qui devient votre objet de contemplation, de ressenti.

La langue vibre, elle saigne, elle élance… Tout cela apparaît dans votre organisme. Il y a d’abord eu cet éclatement, cette sensation très forte. Par la nature même de votre organisme, de tout le système immunitaire, de la structure de la cellule, petit à petit le traumatisme va se réduire, le sang va s’arrêter de couler, la douleur va s’étaler dans le très grand espace du visage et, graduellement, se vider. Il n’y avait aucun choix, aucun dilemme, il n’y a eu aucune réflexion.

Quand on vous suggère d’écouter la situation, c’est de cela que l’on parle. Il n’y a de place ni pour un choix ni pour une volonté ; la langue elle-même, par sa propre qualité, va résoudre le problème. La situation qui paraît conflictuelle ne l’est que parce qu’on la voit coupée de son environnement. Vous laissez la situation, comme la langue, devenir sensible, et l’élément conflictuel va également disparaître. Il va rester ce qui est là : un événement qui peut amener un désordre physiologique dans votre organisme, mais qui sera ressenti sans conflit psychologique.

Dans un moment de disponibilité sensorielle, il n’y a pas de place pour un conflit psychologique. Mais généralement, quand on se mord la langue ou quand un conflit apparaît dans la vie, on recouvre la sensation de douleur de la langue, la sensation propre du conflit, par un imaginaire, c’est-à-dire par une réflexion sur le pourquoi et le comment. Ce que nous suggérons ici, c’est de se rendre compte de ce mécanisme qui existe en nous. Par la magie des choses, quand on se rend compte profondément de quelque chose, la chose cesse sans qu’on le veuille. Quand vous constatez que ce que vous preniez pour un serpent est une corde, vous n’avez aucun effort à faire pour ne plus croire que c’est un serpent. La vision de la corde dissout le serpent. Vous ne voyez pas la corde pour supprimer le serpent, mais, du fait que vous avez laissé la vision de ce qui était là s’imposer en vous, l’élément imaginaire a magiquement disparu.

Tout élément problématique disparaît de la même manière. Il n’y a aucune activité là-dedans ; ce n’est pas quelque chose que vous faites, c’est quelque chose que vous enregistrez. Vous enregistrez le fait que vous êtes disponible à un conflit et que ce conflit se résorbe.Vous enregistrez le fait que vous résistez à un conflit et qu’il demeure en tant que conflit. Vous n’avez aucun choix. Plus vous vous en rendez compte, plus vous constatez que vous laissez les conflits être de plus en plus libres en vous et que vous les percevez de moins en moins comme conflictuels. Il y aura toujours des événements qui vous sembleront plus ou moins harmonieux, mais cette apparente disharmonie ne vous fera pas quitter le ressenti de l’harmonie. »

Eric Baret

http://revolutiondusilence.blogspot.com