Mai 9 2020

HISTOIRE DES MOUTONS

C’est une histoire qu’utilisait Gurdjieff en ces démonstrations. Je vous la raconte à ma façon.

Il y avait une fois en Orient un Magicien aussi avare que méchant. Parmi ses nombreux trésors se trouvait un vaste troupeau de moutons auquel il tenait particulièrement. Les moutons étaient en effet sa nourriture favorite, il en tuait presque chaque jour pour festoyer avec ses invités. Le domaine où paissaient ses moutons était vaste mais, à son grand dépit, une partie d’entre eux s’échappaient. Certaines brebis pleines de sagesse avaient remarqué que l’on ne revoyait plus les moutons et agneaux que l’on venait chercher et avaient su en tirer la bonne conclusion. Ayant compris le sort qui les attendait, de nombreux moutons prenaient régulièrement la fuite. Le Magicien décida, malgré son avarice, d’engager un berger, puis des chiens; rien n’y fit. Il se résolut alors à faire installer de hautes clôtures mais les moutons trouvèrent malgré tout les moyens de s’enfuir, car les moutons en ces temps-là étaient malins et finauds. Je crois même qu’ils marchaient debout et savaient parler. Le Magicien, furieux, décida alors de s’en occuper lui-même. Il invoqua ses génies et ceux-ci lui donnèrent la solution. Il fallait endormir les moutons, les mettre en état d’hypnose. Le lendemain, souriant, il quitta son château et descendit parler à son troupeau.

« Finis les barrières, les chiens et les bergers, dorénavant vous vous garderez vous-même. Car pour vous aujourd’hui, une nouvelle ère commence. On vous l’a toujours caché, mais vous n’êtes pas des moutons, vous êtes des hommes ! »

Il se mit alors à marcher au milieu d’eux en les regardant dans les yeux et il poursuivit : « Toi, tu es un marchand !..Toi, tu es un général !.. Toi, tu es une courtisane !..Toi, tu es une matrone !..Toi, tu es un larron ! » Et il conclut : « Et maintenant, allez ! Jouez au juges et aux larrons, aux poètes et aux  courtisanes. Et que la grandeur soit avec vous. »

Dès lors ce fut terminé et le Magicien put continuer à festoyer à son aise. Les moutons jouaient à l’infernal Jeu des Hommes. Qui donc songeait encore à prendre la fuite ?

 G. St-B.