L’OUVERT
« L’ Ouvert » implique l’absence de thèse, l’absence de conclusion, en fait n’implique rien mais ne peut s’exprimer que par le simple énoncé de l’évidence qui s’impose. Voyez ce mouvement (un vrai déracinement, quasiment une transmigration…) du corps-esprit qui consiste à passer de l’évidence à la thèse: il est clair pour moi que tout est conscient (tout ce qui est perçu), et je suis sans théorie à ce propos. Et par une translation, j’énonce: tout est conscience.
Le fait que tout soit conscient, perçu consciemment n’est pas de l’ordre du savoir: je ne sais pas que je perçois, je ne me sais pas être conscient. Dans ce non-savoir, l’apparence des choses est à elle-même sa réalité, sa lumière. Dans ce non-savoir, tout est ouvert, simplement, mais pas l’ouvert de l’alternative « ouvert-fermé ». Ceci n’est pas une posture, un pré (ou post) supposé. Le plus difficile, ici, est, si telle est notre propension, à approfondir notre connaissance de soi et des choses sans ternir ou occulter ce non-savoir, sans prendre position. Approfondir et enraciner, dans une assurance à tous les niveaux de notre non-savoir ouvert.
Mais si je viens à existence, si je me prends à me savoir être conscient des choses, je crée le déséquilibre, je sépare, je m’inscris dans une thèse qui conforte mon opinion, fondée sur du vent, je la proclame vraie, etc… Tous les slogans, tel que « tout est conscience » sont un aveu de pauvreté, de fermeture. D’ailleurs, attention, cet apparent slogan-là s’auto-détruira dans….
…Dans l’Ouvert inconnaissant, dans la conscience qui ne se sait pas, tout ne semble être qu’un dévoilement d’un tissu d’apparences, que ce soit les objets dits extérieurs, les pensées, les sensations, le corps, etc… Rien ne fait obstacle à rien, extérieur et intérieur (qui ne sont même pas abolis: ils ne sont jamais venus à existence; et l’art consiste, même dans leur venue à existence, dans leur apparence, à ce qu’ils ne se fassent pas obstacle, car telle n’est pas leur nature), objets, pensées, sensations, émotions, tout cela ne semble former qu’un vaste continuum d’apparences, se déroulant en lui-même, sans nulle hiérarchie. La hiérarchie apparaît aussi, elle n’est qu’une apparence, qui, comme les autres, n’est pas un rideau entre le sujet et une réalité profonde. Si vous trouvez une réalité plus profonde à ce qui est là, à son tour, elle sera comme une apparence, et la recherche d’une existence absolue tournera à la régression infinie.
Dans l’Ouvert, ce qui est là n’existe que pour ce qui est là sans que personne n’ait à adopter ce point de vue, cette posture. Ainsi l’éveillé ne sait pas qu’il est éveillé; par conséquent, aucun éveil n’est jamais venu à existence…
