Fév 26 2021

« Illumination » et « état naturel » ne sont pas exactement des synonymes.

« Illumination » et « état naturel » ne sont pas exactement des synonymes.

U.G. n’aime pas entendre parler d »‘Illumination », de « libération » ou d »‘éveil intérieur »; ces mots ont inspiré au cours des siècles trop de descriptions flatteuses et trompeuses, et surtout Ils ont été utilisés habituellement pour désigner l’aboutissement d’une recherche.

Il affirme d’emblée qu’au terme de nos recherches Il n’y a pas d’Illumination – d’ultime libération du sujet, en ce sens que l’Illumination implique précisément la fin de la structure de pensée qui permettrait de l’affirmer.

L’expérience de l’Illumination n’existe pas à proprement parler puisqu’elle suppose l’extinction psychologique de l’expérimentateur. « Cet état n’existe pas, sauf dans votre imagination. Lire la suite


Fév 26 2021

L’éveil, c’est voir qu’il n’y a personne



Richard Sylvester


La libération est ce qui reste quand le soi a disparu.
Mais le soi est simplement la libération qui appararaît en tant que soi.
La libération est ce qui est, pendant que vous recherchez la libération.
En vous, vous savez déjà tout cela.


Cela commence les samedis après-midi, à Hampstead, lors des discussions sur la non-dualité avec Tony Parsons. Je ne comprenais pas tout ce qui y était dit, mais quelque chose continuait de m’y attirer. Et puis j’aimais les histoires drôles, la conversation et le fait d’aller boire tous ensemble après la réunion, j’y retournais donc encore et encore.

Puis, à une gare centrale de Londres, par une chaude soirée d’été, la personne, le sens de soi, soudainement disparut complètement. Tout était identique – les gens, les trains, les quais, et les autres objets – pourtant tout était vu pour la première fois sans l’intermédiaire d’une personne, sans interprétation. Il n’y avait pas eu d’éclairs lumineux, pas de feux d’artifice, rien des effets tournoyants du LSD ou des champignons hallucinogènes. Mais ce qui était le véritable « oh! », c’était voir la tout ordinaire gare des chemins de fer, pour la première fois, sans le sens de soi. C’était l’ordinaire, vu comme extraordinaire, se manifestant dans l’Un, et personne pour l’expérimenter.

A cet instant il était vu qu’il n’y a personne. Le sentiment qu’il existait une personne avait jusqu’alors été une constante et donnait tout son sens à cette vie. Pendant tant d’années, cela n’avait jamais été mis en question. Il était tellement évident que c’était « moi », mon centre, mon lieu, que ce n’était même pas perçu. C’était maintenant vu comme quelque chose de complètement superflu. Soudainement il était clair que je n’avais jamais eu de vie, car il n’y avait jamais eu de « je ». En une seconde d’éternité, il était clair que sans un « je », chaque chose était vue, pour la première fois, exactement comme elle est. Je ne vis pas, je suis vécu. Je n’agis pas, mais les actions se passent à travers moi, la marionnette divine.

Toutes les inquiétudes de cette petite et non moins importante vie apparente disparaissaient en un instant.
En une seconde le soi revint et dit : « Diable, mais qu’était-ce donc que cela ? » Mais la fraction de seconde sans personne apporta des changements radicaux au paysage interne. Car cette vision peut faire exploser votre mental.


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Dans l’histoire, une année après l’éveil, je me trouvais dans une boutique d’une petite ville ordinaire. Soudainement mais avec une grande douceur, l’ordinaire fut déplacé par l’extraordinaire. La personne, de nouveau, disparut complètement et il fut clairement vu que la conscience est partout et qu’elle est tout. Le sens d’un soi localisé se révéla n’être qu’une apparence. Il n’y a pas de localisation, ni ici, ni là. Il n’y a que l’Un apparaissant comme tout et c’est ce que «je» suis vraiment. «Je» suis la boutique, les gens, le comptoir, les murs, et l’espace dans lequel tout se présente. Lorsque le soi disparaît et que la conscience est vue en toute chose, alors tout est vu pour ce qu’il est, un magnifique hologramme sous-tendu par l’amour.


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Ce serait bien pour nos lecteurs, si vous pouviez expliquer ce qui s’est passé à Charing Cross Station. Que s’est-il passé ?

Ce qui est arrivé à cet endroit, est en fait très simple, mais très difficile à décrire. C’est impossible à comprendre, à moins de l’avoir vécu. Ce qui est arrivé, ce fut la disparition totale et instantanée de la personne. Je dis «ce qui est arrivé », mais ce n’était pas vraiment quelque chose qui «arrivait». C’est si difficile d’en parler, car dans l’apparence, les choses se passent dans le temps. Lorsque la personne disparaît, ce n’est pas un évènement qui se produit dans le temps. Il est vu que cela se passe en dehors du temps et que tout est hors du temps.

Dans l’histoire, la personne qui a disparu revint très rapidement. C’est en tout cas ce qui est arrivé, ici, et ma compréhension en parlant avec d’autres ou en lisant des témoignages, est que c’est ce qui se passe le plus souvent. Il peut donc y avoir une disparition totale de la personne et puis, une seconde plus tard la personne revient, certainement en état de choc, se disant « Mais diable qu’était-ce donc que cela ?» Pourtant, même si la personne est revenue, quelque chose d’irrévocable s’est passé, un changement s’est produit dans l’individu apparent. Cela peut être différent pour chacun, tout ce que je peux faire, c’est donc dire ce qui se passa pour cet individu-ci. Je peux vous raconter les changements que cette personne a expérimentés par la suite, si vous le souhaitez, car il n’y a pas grand chose d’autre à dire sur l’évènement en lui-même. J’ai essayé d’écrire sur le sujet, mais c’est très difficile. Tout ce que je peux dire c’est que c’est inimaginable, je pourrais vous inviter à l’imaginer, mais c’est impossible.

Je vous invite, toutefois, à imaginer que vous êtes là, tel que vous êtes, et soudainement pour une fraction de seconde, tout reste identique, exactement comme c’est maintenant, simplement vous n’êtes plus dedans. Pourtant vous avez la complète conscience de tout. Parfois on appelle cela la conscience du vide ou la conscience du néant, car le soi est vu comme complètement vide. Dans un sens cela semble être une parfaite description, mais le problème avec cette description c’est qu’elle ne peut être imaginée. Il y a eu, là, une personne pour trente, quarante ou cinquante ans, et cela ne correspond à aucune expérience que cette personne ait pu rencontrer dans cette vie apparente. Lorsque le mental entend une description de cette disparition, il essaye de relier ce qu’il entend, avec une expérience que la personne a connue. Le mental veut essayer de lui trouver un sens, en le reliant avec une expérience personnelle, mais ce n’est pas une expérience personnelle, puisqu’il n’y avait personne. Il n’y a aucune possibilité de comprendre cet évènement, en cherchant un rapport avec quoi que ce soit qui ait pu arriver auparavant.


 
 
 
 
Extraits choisis de : J’espère que vous allez mourir bientôt, de Richard Sylvester.
Publié avec l’autorisation des Éditions Charles Antoni – l’Originel
 
 
 
 
 
http://www.reikido-france.com


Fév 24 2021

« L’effort, c’est ce qui nous distrait de ce qui est. » -Krishnamurti

EffortLa réalité ne peut pas avoir lieu si vous êtes dans un état de devenir , de conflit ; elle ne vient que là où se trouve un état d’ être , une compréhension de ce qui est . Vous verrez alors que la réalité n’est pas dans le lointain; l’inconnu n’est pas loin de nous : il est dans ce qui est . De même que la réponse à un problème est dans le problème, la réalité est dans ce qui est . Si nous pouvons le comprendre, nous saurons ce qu’est la vérité.

L’effort n’implique-t-il pas que l’on cherche à tout prix à changer ce qui est en ce qu’il n’est pas, ou en ce qu’il devrait être, ou en ce qu’il devrait devenir ? Nous ne cessons de fuir ce qui est , tout en voulant le transformer ou le modifier. Celui qui est réellement satisfait est celui qui comprend ce qui est , qui donne à ce qui est son juste sens. Le contentement véritable ne réside pas dans la pénurie ou l’abondance de nos possessions, mais dans la compréhension de la pleine signification de ce qui est .

L’effort, c’est ce qui nous distrait de ce qui est.

C’est lorsqu’on admet ce qui est que cessent les efforts. Il n’y a pas d’acceptation de ce qui est s’il y a désir de le transformer ou de le modifier. Et les efforts – qui sont signes de destruction – persisteront tant qu’existera le désir de changer ce qui est.

N’est-il pas possible de vivre en ce monde, sans ambition, en étant simplement ce que vous êtes ? Si vous commencez à comprendre ce que vous êtes sans essayer d’y rien changer, alors ce que vous êtes fera l’objet d’une transformation. Je crois possible de vivre en ce monde de manière anonyme, en étant un parfait inconnu, ni célèbre, ni ambitieux, ni cruel.

J. Krishnamurti


Fév 22 2021

L’oeil

Un oeil ne peut se regarder lui-même.

Nous ne sommes rien d’autre que pur regard, pure attention.
Cela est d’une totale simplicité,
et c’est pourtant le plus difficile à comprendre.
Car ce n’est pas de l’ordre de la pensée rationnelle.

Tant que je cherche à regarder,
tant qu’il y a en moi quelqu’un
qui cherche a regarder,
je suis a coté de la méditation.

Il y a toujours un sujet regardant un objet,
avec un regard entre les deux pour faire la liaison.

Il y a méditation lorsque l’objet s’efface,
en même temps que le sujet qui regarde.
Il n’est donc plus question d’un regard
où quoi que ce soit d’autre entre les deux.

Que reste t’il ?
Le Regard véritable, le je, dans lequel surgissent le sujet,
l’objet et la perception qui les relie.
Bien sûr, ce Regard n’est pas objectivable.
Si l’on cherche à le décrire,
on le restreint à nouveau à un objet
et on redescend dans la mondanité

Jean Bouchart D’orval
Extrait d’un article paru
dans la revue « 3ième Millénaire » sur le thème de la méditation

Fév 22 2021

Un être éveillé ressemble à tout le monde…

Éveil

 

L’être éveillé n’est pas forcément un ermite vêtu d’un pagne en méditation au pied d’un arbre…

Il peut avoir l’apparence d’un être très ordinaire, une femme, un homme que vous croisez tous les jours sans le voir. Quelqu’un qui semble être pris dans le même flot continuel de la vie.

L’attachement aux apparences est source d’erreur…

L’éveil est un secret qu’il ne sert à rien de révéler à ceux qui ne peuvent pas l’entendre. De plus l’éveil est difficilement descriptible avec des mots.

Il est vrai que lorsque soudain le regard s’ouvre sur le monde, la vie, l’autre, on subit à peu près la même décharge émotionnelle que si on venait de découvrir le don d’immortalité.

Et en vérité, c’est exactement ce que l’on vient de découvrir.

On entend les autres énoncer des banalités, des idées toutes faites: « ah, la vie est dure! », « les temps sont durs », « les gens sont fous! » etc…

Et on ne peut s’empêcher de rire intérieurement, de glousser de contentement même.

Non pas parcequ’on se moque de la personne, envers laquelle au contraire on éprouve une grande compassion et même une compréhension qui nous dépasse, mais parcequ’on sait secrètement que la vérité est beaucoup plus grande, beaucoup plus réjouissante que ce monde d’illusion voudrait bien le faire croire.

Moi aussi, il fut un temps, je croyais que l’éveil était l’apanage de grands mystiques, d’ascètes hors du commun des mortels. La vie m’a prouvé que n’importe qui, n’importe lequel d’entre nous, pouvait à tout moment être désigné pour faire partie du grand voyage vers l’Eveil.

Il n’y a rien de glorieux d’ailleurs à vivre l’éveil. Pas de quoi se vanter, ou se sentir supérieur et au-dessus des foules. Non, car le principe même d’éveil est l’antithèse absolue de tout sentiment individuel d’égocentrisme.

En vivant l’éveil on découvre que non seulement on a aucun mérite à s’éveiller, qu’il s’agit d’une décision purement divine, indépendante de son petit moi, mais qu’en plus on est en rien séparé ou comparable à quiconque.

Et là on découvre alors une certaine solitude au sein de cette unité.

Tout est UN.

Combien de fois ai-je entendu ou lu cette petite phrase dans les milieux spirituels du nouvel âge.

Pourtant, cette petite phrase si simple qui ne comporte que trois mots simples, semble hors d’accès à un grand nombre d’être humain. La preuve en est le déchirement continuel, la dualité inhérente à tout ce qui se trame dans ce monde de la guerre entre nations à des guerre entre proches d’une même famille en passant par la guerre intérieure entre des parts de soi qui ne parviennent pas à cohabiter (et je ne parle pas là seulement des schizophrènes)…

Mais Tout est Un signifie bien que tout est un.

Tout ce que tu perçois ou ne perçois pas vient d’une seule et même source, est une seule et même essence prenant des formes variées et infinies à l’image de la source en question elle-même infinie.

Dieu (qui est le nom le plus court pour désigner l’indésignable) est autant Celui qui regarde que Ce qui est regardé.

Sauf qu’étant donné que l’oeil ne peut se voir lui-même, Dieu ne peut se contempler, ne peut observer qui Il est car l’état d’Etre se vit ne s’observe pas.

L’objet regardé est donc un reflet de Lui qui est bien à son image mais qui ne reste qu’une possibilité parmi une infinité de probabilités!

Chaque corps vivant contient une conscience.

Ce qui distingue l’être éveillé d’un autre non-éveillé (et il n’y a aucune dualité déguisée là-dedans) c’est qu’il a conscience de ce qu’il est, c’est à dire qu’il ne peut regarder sa vérité à travers ce corps ou son mental, mais il ne peut se connaitre qu’en revenant à son état initial. Ce qu’il est au-delà de tout l’aspect éphémère de sa personne.

Tout ce qui est voué à disparaitre est un reflet.

Tout ce qui est hors de l’espace est du temps, est Celui qui est reflété, c’est à dire, l’Etre absolu, la Source de toute chose…

Voila donc que lorsqu’on s’éveille on réalise que tout passe, la douleur comme le plaisir, et que donc il est inutile de s’y attarder ou de s’y attacher.

La vie en général devient beaucoup plus légère. Non pas parceque l’on n’y attache plus d’importance mais parcequ’on la vit pleinement sans rester bloquer et limité dans un domaine particulier.

C’est ce que l’on appelle la libération…

http://leveildenout.blogspot.com/


Fév 21 2021

Krishnamurti – Lettre sur la liberté

Bonjour,

Je ne vous connais pas, ni votre œuvre… Je me sens tellement prisonnière… de mes pensées, de mon affectivité, de mes manques… Je voudrais au minimum savoir ce que je cherche… désespérément… et d’autant plus désespérément que j’ignore ce que je cherche vraiment.Comment trouver la liberté? Notre personnalité, nos choix, découlent bien souvent des conditionnements subis dans l’enfance… comment quelqu’un peut-il, par exemple, avoir confiance en lui quand tout son conditionnement antérieur a été de ne pas avoir confiance en lui? Plus je vieillis, plus je réalise que c’est l’affectif qui fait agir les hommes, pas la réflexion, et qu’ils ne sont pas responsables de cet affectif; dans toutes les relations, professionnelles, privées, des réactions, des interprétations affectives viennent troubler l’objectivité… la liberté signifie qu’il y a choix… beaucoup n’ont pas le choix (celui qui lutte pour sa survie, l’enfant qui meurt à 2 ans… quel est leur choix?)… le fait de penser n’est-il pas déjà une entrave à la liberté d’exister, tout simplement, comme un animal qui fait partie de la nature… l’homme est extérieur à la nature, il n’est pas dedans, il la regarde… quel choix a-t-il? La liberté de l’homme c’est quoi? La seule liberté que l’on ait, c’est de vivre avec tous nos conditionnements, certains en étant plus conscients que d’autres. Et en prendre conscience, ce n’est pas pour autant s’en libérer. Lire la suite


Fév 21 2021

Reconnaître l’égo

«   Vous ne pouvez transcender ce que vous ne connaissez pas.
Pour aller au delà de vous-même, vous devez vous connaitre  « 

Nisargadatta

Reconnaître l’égo : 

(A noter qu’il ne s’agit pas ici de l’ego au sens freudien, le moi.
Au contraire, l’ego désigne ici un ensemble d’éléments qui n’appartiennent
ni au vrai soi ni à la réalité du Cosmos)

– les peurs

– les doutes

– la culpabilité

– l’apitoiement sur soi-même

– le sentiment de dévalorisation

– le sentiment d’être victime

– la fierté blessée

– l’ambition

– l’effort ou la lutte pour parvenir à un résultat

– la prétention

– l’arrogance

– le sentiment de supériorité morale

– le sentiment d’avoir raison

– le sentiment d’être plus vertueux que les autres

– l’impatience

– l’exigence

– la jalousie

– la possessivité

– la désaffection

– l’indifférence

– le contrôle sur les choses, les gens, les événements

– les comparaisons

– les jugements

– le bavardage intérieur

– les images que l’on a de soi-même

– l’indulgence envers l’ego d’autrui

– la (fausse) loyauté envers des personnes ou des institutions collectives
agissant incorrectement

– la défiance envers la Voie du Cosmos

– les attentes…

http://etreetvoirautrement.fr.gd


Fév 20 2021

Ce qui est.

Bonheur simple et intense  d’un étirement, d’un souffle, d’un reflet,
quand personne n’est là pour se l’accaparer et l’étouffer.
Ce qui est - Oeil


Fév 20 2021

Rien n’est jamais passé ni futur, tout est présent. – André Comte-Sponville

André Comte-Sponville

André Comte-Sponville

 Rien n’est jamais passé ni futur, tout est présent.

Et si ce n’était pas le temps qui s’enfuyait mais plutôt nous qui partions ? Dans son nouvel ouvrage, L’Être-temps, André Comte-Sponville passe au laser les idées reçues sur ce qui fait la trame de notre vie : le temps.

Propos recueillis par Jean-Louis Servan-Schreiber
 
André Comte-Sponville – Écrivain philosophe, chroniqueur à Psychologies, André Comte-Sponville vient de publier L’Être-temps (PUF) après La Sagesse des modernes, écrit en collaboration avec Luc Ferry (Robert Laffont). Le temps – Pour une fois, il ne s’agit pas de ce qu’il faut « faire » du temps (l’économiser, en trouver davantage, savoir en perdre…) mais de ce qu’il convient d’en « penser » (le passé, le futur, la nature du présent, la réalité du temps, dont quelques-uns doutent). Attention, cela relève de la métaphysique. Vous vous souvenez, en terminale ? Au quotidien, on croit pouvoir s’en passer ; sauf que la simple idée de notre condition de mortel en fait intégralement partie. Qui échappe totalement à l’envie de mieux comprendre ce que nous faisons ici-bas ? Rares sont ceux qui ne se sont jamais posé de questions sur la vraie nature du temps. Pour notre ami Comte-Sponville, la philosophie est ce qui aide à mieux vivre. S’il a voulu écrire un ouvrage dense et limpide sur le temps, c’est parce qu’il a constaté que la confusion régnait souvent, dans notre vie, autour des rôles respectifs du passé, du présent et du futur…

Psychologies : On répète volontiers que le paradoxe du temps perçu est que le passé n’est plus, que le futur n’est pas encore, et que le présent est insaisissable. C’est faux, dites-vous dans votre livre, car, en fait, nous vivons constamment au présent. Pouvez-vous nous expliquer cela ?

André Comte-Sponville: Que le passé ne soit plus, que l’avenir ne soit pas encore, ce n’est pas faux : c’est au contraire la stricte vérité, et même leur définition. Le vrai problème porte sur le présent. On a le sentiment qu’il est insaisissable, voire inexistant, parce que personne ne peut l’arrêter. Qu’on ne puisse pas l’arrêter, là encore, c’est très vrai. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas ! Prenons l’instant présent : à peine l’ai-je évoqué que déjà il n’est plus. Soit. Mais qu’est-ce qui l’a remplacé ? Un autre instant présent ! Si bien que nous ne quittons jamais le présent : c’est toujours aujourd’hui, c’est toujours maintenant. Si nous ne pouvons saisir le présent, ce n’est pas parce qu’il nous fuit : c’est parce qu’il nous contient. Ce n’est pas parce qu’il n’est rien : c’est parce qu’il est tout. Comment la vague pourrait-elle saisir l’océan ?

Selon vous, nous confondons le temps et la temporalité. Quelle est la différence?

La temporalité, c’est le temps tel qu’il apparaît à la conscience : c’est le temps vécu, le temps subjectif, le temps de l’âme, si l’on veut. Elle est surtout composée de souvenirs du passé et d’anticipations du futur : la mémoire et l’imagination nous occupent davantage que l’attention ; l’espérance ou la nostalgie davantage que l’action ! Ce que j’appelle le temps, au contraire, c’est la durée telle qu’elle existe objectivement, dans le monde ou la nature. Or, dans la nature, rien n’est jamais passé ni futur, tout est présent : le réel, c’est ce qui existe actuellement. D’un côté, donc, une temporalité toujours distendue, dans notre esprit, entre le passé et l’avenir ; de l’autre, un temps réel, toujours concentré dans le présent.

Quel est le plus important ?

Les deux, pour nous, sont nécessaires. Mais le temps, d’un point de vue philosophique, est plus fondamental : parce qu’il contient la temporalité (la mémoire et l’imagination n’existent elles-mêmes qu’au présent), alors que celle-ci ne saurait le contenir tout entier. Notre conscience est dans le monde, bien plus que le monde n’est dans notre conscience.

« Dans l’espace, on peut choisir sa place ; dans le temps, non. » Pourquoi ?

Parce que l’espace comporte trois dimensions, qui permettent de s’y déplacer à peu près librement. Par exemple, vous pouvez aller de Paris à Marseille, puis de Marseille à Toulouse, avant de revenir à Paris. Et dans chacune de ces villes, vous pourrez vous déplacer dans tous les sens, vous promener, avancer, monter, descendre, changer de direction, revenir sur vos pas… Dans le temps, rien de tel. C’est qu’il ne comporte qu’une seule dimension (c’est pourquoi on le compare si souvent à une ligne), qui s’impose absolument. Essayez un peu de revenir à hier ou de sauter à après-demain sans passer par demain : vous verrez que c’est impossible. On choisit son lieu, pas son temps. Vivre à Marseille, à Paris ou à Toulouse, cela dépend de vous. Mais vivre dans le passé ou dans l’avenir, non : il vous faut vivre aujourd’hui ! On peut se souvenir du passé ou rêver de l’avenir ? Bien sûr ! Mais ce rêve et ce souvenir n’existent eux-mêmes qu’au présent. Ainsi le temps s’impose à nous : on ne peut l’utiliser qu’à condition d’abord de s’y soumettre.

« Nous sommes éternels

mais pas immortels. »

On nous avait pourtant appris

que l’éternité,

c’est ce qui n’a ni début ni fin…

Si c’était vrai, quel ennui ! On a déjà du mal avec certains de nos dimanches… Vous vous imaginez, au bout de cent mille ans, avec l’idée qu’il va falloir continuer pendant des millions et des millions d’années, sans jamais en voir le bout ? Si c’était ça le paradis, quel enfer ce serait ! Mais la plupart des grands penseurs s’accordent à dire le contraire : que l’éternité n’est pas un temps infini (ce qu’on appellerait plus justement la sempiternité), mais un présent qui reste présent, ce que saint Augustin appelait « l’éternel présent » ou le « perpétuel aujourd’hui » de Dieu. Or, depuis que nous sommes nés, nous n’avons jamais quitté le présent. Chaque jour que nous avons vécu, c’était toujours aujourd’hui. Chaque instant, toujours maintenant. Le passé n’est plus, l’avenir n’est pas encore : il n’y a que le présent, qui est l’unique temps réel. C’est ce que j’appelle l’éternel présent ou le perpétuel aujourd’hui de la nature. Il faut en conclure que le temps et l’éternité sont une seule et même chose, et que cette « chose », c’est le présent. Nous sommes dans le royaume : l’éternité, c’est maintenant et pour la durée de notre vie !

Vous définissez l’être-temps, le titre de votre ouvrage, comme « l’unité indissociable, au présent, de l’être et de sa durée ». Ça change quoi dans notre vie ?

Si le temps c’est le présent, c’est aussi l’être : rien n’est présent que ce qui est, rien n’est que ce qui est présent. Ce que ça change ? Ceci : nous sommes au cœur de l’être, au cœur de l’absolu, puisque nous sommes au cœur du présent. De là une spiritualité très singulière, parce que sans promesse, sans foi, sans espérance. Rien n’est à croire ; tout est à connaître. Rien n’est à espérer ; tout est à aimer. Nous sommes déjà sauvés : le salut, c’est ici et maintenant.

« Il s’agit d’agir, d’agir encore, d’agir toujours, c’est pourquoi il faut du courage, non contre la peur seulement, mais contre la paresse. » Pourquoi l’examen du temps débouche-t-il, pour vous, sur cet hymne à l’action ?

Si tout est présent, tout est actuel, tout est en acte. Inutile d’attendre l’avenir ou de regretter le passé : seul le présent est réel, seule l’action est utile !

Mais pour agir, ne faut-il pas tenir compte du passé et de l’avenir ?

Bien sûr que si ! Vivre au présent, ce n’est pas vivre dans l’instant. Agir, c’est toujours continuer un certain passé, préparer un certain avenir… Mais cette continuation et cette préparation n’ont elles-mêmes de réalité qu’au présent. C’est pourquoi l’action et la fidélité sont tellement importantes : parce qu’elles seules peuvent donner au passé et à l’avenir cette actualité sans laquelle ils ne sont rien. Devoir de mémoire, devoir de responsabilité. Le passé n’existe plus ; mais il est à connaître et à transmettre. L’avenir n’existe pas ; mais il est à faire.

Votre livre se termine sur l’énoncé d’une énigme : « L’être est la seule réponse à la question qu’il ne se pose pas. » Comment faut-il le comprendre ?

À la question « pourquoi l’être ? », il n’y a pas de réponse intellectuelle, il ne peut y en avoir : puisque toute réponse, toute explication, toute origine, supposent, déjà, l’être. Mais le réel est à lui seul une réponse suffisante. Pourquoi l’être ? Parce que l’être ! La question est de l’homme ; la réponse est du monde — la réponse, plutôt, est le monde même.
Le monde ne se demande pas « Pourquoi le monde ? » ; mais à la question que l’homme se pose sur le monde, il n’est d’autre réponse que le monde tel qu’il est, dans sa beauté, dans sa complexité, dans son évidence. Vous connaissez ce poème d’Angelus Silesius, le mystique allemand du XVIIe siècle : « La rose est sans pourquoi, fleurit parce qu’elle fleurit, n’a souci d’elle-même, ne désire être vue. » Je dirais volontiers de même : « L’univers est sans pourquoi, existe parce qu’il existe, n’a souci de lui-même, ne désire être vu… » La nature ne se soucie pas de nous : c’est donc à nous de nous soucier les uns des autres, et de nous soucier de la nature ! C’est où se rejoignent la morale, la politique (notamment l’écologie) et la spiritualité.

http://www.psychologies.com


Fév 20 2021

André Moreau : sur le bonheur

André MoreauEn conférence, ses thématiques et son langage coloré se rapprochent de U.G. Krishnamurti et de Nisargadatta Maharaj. André Moreau est un hédoniste avec de la profondeur. Étant un moniste dans la tradition de la non-dualité, il ne se sent pas séparé.

L’effort est le signe de l’erreur

La confiance va rarement du côté de l’effort mais vers la facilité organisée. Le naturel ou le vrai s’accomplit sans effort. Contrairement à une certaine mentalité populaire, les grandes choses se font toujours facilement. La créativité est une énergie sauvage qu’il faut apprendre à reconnaitre. Il faudrait pouvoir la mobiliser en temps voulu. L’infini ne se laisse saisir que par les audacieux.

Docteur en philosophie de la Sorbonne (1966), auteur de plusieurs traités, André Moreau a été progressivement écarté des milieux universitaires à cause de l’originalité troublante de sa pensée. Son érudition, son sens de l’humour et sa capacité à surprendre ne laissent pas indifférent, d’autant plus que son oeuvre écrite de 47 ouvrages intrigue et séduit à la fois.

En conférence, ses thématiques et son langage coloré se rapprochent de U.G. Krishnamurti et de Nisargadatta Maharaj. André Moreau est un hédoniste avec de la profondeur. étant un moniste dans la tradition de la non-dualité, il ne se sent pas séparé.

Article paru dans l’Originel Magazine du 10 octobre 2007 par Claire Mercier

Prochaine conférence « Invité de Marc » : Clés pour sortir de l’hypnose collective le jeudi 8 septembre 2011 @ 19h30