Oct 24 2020

Jean Klein – Projections


Docteur Klein, pouvez-vous dire quelque chose à propos de tout ce que nous voyons comme une projection?Généralement nous pensons qu’un objet existe hors de nous-même, qu’il a une existence indépendante, mais c’est seulement une croyance. Ce n’est basé ni sur une expérience ni sur un fait. Le prétendu objet qui serait à l’extérieur de nous a besoin de la conscience pour être perçu. La conscience et son objet ne font qu’un. C’est vous qui créez, projetez le monde d’instant en instant. Quand le corps s’éveille le matin, au même instant le monde s’éveille. Vous projetez le monde; c’est bien vous qui créez le monde d’instant en instant.Est-ce que vous voulez dire que l’action crée le monde tel que nous le voyons, de telle sorte que lorsque je m’éveille le matin et que je vois la chambre et ce qui s’y trouve, la chambre existe seulement quand je m’éveille?D’abord, quand vous vous éveillez, vous ne voyez pas la chambre, vous ne voyez que votre mémoire. Vous voyez un angle du plafond et vous dites: «Je suis dans une chambre», mais c’est seulement la mémoire que vous projetez et que vous appelez chambre. Votre vision n’est que fragmentaire. Ce que vous nommez votre environnement est constitué par au moins 80% de mémoire. Quand votre écoute est globale, chaque instant est neuf, sinon il ne s’agit que de répétition. Aussi longtemps que durera le réflexe de vous prendre pour quelqu’un, vous ne verrez que des fragments, et le regard que vous porterez sur votre environnement ne pourra être que fragmentaire. C’est la vision fragmentaire qui crée un problème; sinon il n’y a pas de problème. C’est vous seul qui créez le problème.

Est-ce que cela veut dire que toute relation sera entachée d’un problème?

Absolument. (Rire) Lire la suite


Oct 11 2020

L’économie actuelle par Eckhart Tolle

Eckhart Tolle, auteur de deux livres: Le Pouvoir du Moment Présent et Nouvelle Terre, nous partage sa perception de la situation mondiale actuelle et de l’effondrement des structures mises en place par une conscience qui s’effrite. Il serait nécessaire que ces structures s’effondrent une bonne fois pour toutes, pour qu’une nouvelle émerge.


Oct 7 2020

Le Soi est toujours réalisé

Le Soi est toujours réalisé

« La libération ne se trouve pas en un endroit situé loin de vous. Elle est en vous et rien qu’en vous. [1] »

Vous nous avez raconté l’autre jour, comment un matin vous aviez soudain eu une intuition fulgurante qui vous avait, selon votre expression, laissé « cloué sur place ». Cette intuition était : « il n’y a pas de réalisation, la réalisation est toujours là ». Pourriez-vous commenter cela ?

Ceci est arrivé après une période de recherche particulièrement intense au cours de laquelle j’étais passé par plusieurs expériences libératrices, dont celle de vivre l’absence d’ego pendant une période, ou pour être plus précis, de réaliser la Présence en tant que témoin de l’ego. Lire la suite


Oct 4 2020

André Comte-Sponville : une expérience mystique

Tous les philosophes contemporains ne sont pas fermés à la mystique et à la non-dualité même si la majorité est aveugle à cette dimension ; voici un témoignage d’André Comte-Sponville, qui fut un professeur à la Sorbonne. Il raconte ici une expérience de non-dualité qui a changé sa vie et sa pensée.

comte-sponville

« Je ne suis pas du tout un mystique. Je suis plus doué pour la pensée que pour la vie, et plus doué pour la pensée conceptuelle que pour l’expérience spirituelle. Mais j’ai eu au moins quelques moments de simplicité ; en vérité, extrêmement rares. Cependant, la première expérience était assez forte et assez nette pour qu’au fond toute ma vie en soit définitivement changée. Toute ma vie et toute ma pensée.

Je devais avoir vingt-cinq ans. Je me promenais avec des amis, la nuit, dans une forêt. Nous étions quatre ou cinq. Plus personne ne parlait. Tout à coup voilà une expérience que je n’avais jamais vécue.

C’était quoi cette expérience ? C’était un certain nombre de mise entre parenthèses.

Mise entre parenthèses du temps ; c’est ce que j’appelle l’éternité. Tout à coup il n’y avait plus le passé, le présent, l’avenir. Il n’y avait plus que le présent. Là où il n’y a plus que le présent ce n’est plus du temps, c’est l’éternité.

Mise entre parenthèses du manque. Tout d’un coup, et sans doute pour la première fois de ma vie, plus rien ne manquait. Mise entre parenthèses du manque ; c’est ce que j’appelle la plénitude. Lire la suite


Sep 27 2020

La question de l’Ego – Alan Watts

Alan Watts

La question de l’Ego

La question la plus fascinante au monde, me semble-t-il, est celle-ci : qui suis-je? Ou bien: que suis-je? Celui qui voit, celui qui sait, celui qui est : voilà bien la chose qui constitue l’expérience la plus inaccessible de toutes, une expérience mystérieuse, complètement occultée.

Nous parlons de notre ego. Nous utilisons le mot je. J’ai toujours été extraordinairement intéressé par le sens que les gens donnent au mot je, à cause des formes curieuses qu’il peut prendre au cours de la conversation. On ne dit pas, par exemple,  » je suis un corps « , mais « j’ai un corps « . D’une certaine manière, nous ne paraissons pas nous identifier entièrement à tout ce qui est nous-même. Je dis  » mes pieds « ,  » mes mains « ,  » mes dents « , comme s’il s’agissait de choses m’étant extérieures. Et, dans la mesure où je peux m’en faire une idée, la plupart des gens semblent ressentir qu’ils sont quelque chose à mi-chemin entre leurs deux oreilles, un peu en retrait des yeux, à l’intérieur de la tête, tout le reste se trouvant comme raccroché à ce quelque chose. Et ce principe actif qui est ici, c’est ce que nous appelons notre ego. C’est moi!

(…)

Mais alors, qu’est-ce que notre ego? Une illusion doublée d’une futilité. C’est l’image que nous avons de nous-même, une image incorrecte, fausse, une caricature combinée à un effort musculaire futile, pour rendre sensible notre volonté.

Ne serait-ce pas mieux, si le sentiment que nous éprouvions de nous même était en accord avec la réalité? Cette réalité de notre existence qui fait que nous sommes à la fois l’environnement naturel -c’est-à-dire en fin de compte l’univers entier- et l’organisme qui joue avec. Pourquoi ne le ressentons-nous pas ainsi? De toute évidence, parce que cette sensation est occultée par une autre. D’origine sociale, elle est le résultat d’une sorte d’hypnotisme s’exerçant à travers tous les procédés éducatifs, et qui crée cette impression hallucinatoire d’être celui que nous sommes ce pourquoi nous nous comportons comme des fous.

(…)

Nous sommes fous à lier.

La solution au problème ?

 » Mais « , me direz-vous, comment en venir à bout ?  » Je réponds à cela qu’il s’agit d’une mauvaise question; de quoi faut-il venir à bout? Vous ne pouvez pas vous débarrasser des hallucinations qui donnent substance à votre ego à l’aide de votre ego. Désolé, mais c’est impossible, comme de se soulever en tirant sur ses propres bottes. On n’éteint pas le feu avec le feu: si vous essayez de vous débarrasser de votre ego à l’aide de votre ego, vous tombez dans un cercle vicieux. Et vous risquez fort de ressembler à quelqu’un qui redoute de se faire du souci du fait qu’il est soucieux… vous tournez en rond sans fin en devenant toujours plus fou. Lire la suite


Sep 12 2020

Faut-il éliminer l’égo?

 

Dialogue avec Lama Denis Teundroup et Arnaud Desjardins


 

Q: La notion d’ego me semble très difficile à comprendre.

LAMA DENIS TEUNDROUP. Dans le langage contemporain de la spiritualité, on parle énormément d’ego, ce qui est certainement important car l’ego est au coeur du problème. Mais on voit fréquemment l’ego devenir le mauvais, le vilain et, avec quelques tendances culturelles, on irait même jusqu’à dire le démon, ce qui sans être tout à fait inexact amène cependant d’énormes difficultés dans la relation que l’on entretient à soi-même. S’identifiant à l’ego, on devient le mauvais, le vilain et, dans cette relation à soi-même, se développe alors une approche qui a facilement tendance à devenir dépréciative et autoagressive. On réprime l’ego sans se rendre compte que celui qui réprime est précisément l’ego. On arrive à cette situation paradoxale que la répression de l’ego entretient l’ego et qu’une certaine forme de lutte anti-égotique nourrit le problème contre lequel on souhaite justement lutter. Ce qui suggère que la lutte et la répression (comme dans beaucoup d’autres cas!) ne sont pas la bonne méthode et que, dans le travail avec soi, il est nécessaire de dépasser cette approche répressive et de développer une attitude de douceur et d’acceptation. Mais cette douceur, cette acceptation ne sont pas du tout une attitude de permissivité, de laxisme complaisant où l’on s’autoriserait tout ce qui se présente sans discernement.

D’une façon générale, ce problème de l’ego existe en Orient comme en Occident. Néanmoins, il s’avère beaucoup plus précis et fort dans le contexte occidental. Cela peut s’expliquer par l’exacerbation de l’ego, l’attitude de compétitivité intense qui règne en Occident mais aussi par notre héritage culturel et traditionnel. En effet, notre passé est imprégné de culture chrétienne avec tout ce que celle-ci a tendance à véhiculer comme dénégation de soi sous une forme dépréciative, auto-agressive et à la limite mortifiante.

Une autre difficulté vient de la transmission du dharma en Occident et de sa traduction qui a été très influencée par la mentalité occidentale ambiante. Sans entrer dans une discussion trop technique, on peut faire remarquer que le concept de da en tibétain, atman en sanscrit, que l’on traduit dans beaucoup de cas par ego, certaines fois par soi, a un domaine de signification très étendu. On rencontre dans celui-ci les notions de  » je « , de  » moi « , d’ « ego « , de  » soi « , d’  » âme « , d’  » être  » et même de  » Soi « . Notre expérience  » moi, je « , ce que je suis dans mon expérience empirique actuelle participe d’une double nature authentique et illusoire. Notre expérience n’est ni totalement authentique ni totalement illusoire: suivant sa qualité, elle est plus ou moins authentique, plus ou moins illusoire dans un enchevêtrement de réalité et d’illusion constante. Notre expérience habituelle est la version duelle, dualiste que la conscience habituelle produit sur la base de l’expérience primordiale non dualiste de la claire lumière.

L’important est ici de voir que, dans cette expérience de  » moi, je « , il y a cette double nature authentique et illusoire, non dualiste et duelle. C’est une notion traditionnelle qui passe difficilement dans la terminologie occidentale. Une possibilité pour résoudre cette difficulté est de considérer que  » moi, je  » est constitué de ces deux éléments authentique et illusoire et d’appeler, d’une part, la présence authentique telle qu’elle est en nous-mêmes le  » soi  » et, d’autre part, d’appeler  » ego  » le voilage, la perception illusoire des formes qui masquent l’authentique. Dans cette perspective,  » moi, je  » est une imbrication de qualités authentiques émergeant de notre nature profonde. C’est le cas de l’amour, de la compassion, de la confiance véritable qui sont l’expression de la présence en nous de la nature de bouddha alors que l’ego est la tendance dualiste, duelle et conflictuelle qui opère dans les passions en termes d’attraction, de répulsion, d’indifférence. D’où les émotions conflictuelles qui filtrent, masquent, voilent et interfèrent avec la nature de bouddha. Dans cette perspective, la pratique n’est pas la lutte, la répression de l’ego, mais la reconnaissance des qualités authentiques présentes en nous. Elle consiste, dans une attitude de douceur et de détente, à s’ouvrir à ces qualités authentiques, à notre soi en laissant tomber les fixations de l’ego.

Un ego d’abord normal

UNE FEMME. Vous venez de dire qu’il ne faut pas avoir d’attitude agressive envers l’ego. Mais comme toutes les voies spirituelles insistent sur la nécessité de se débarrasser de l’ego, pendant longtemps, je me suis évertuée à chasser cet ego qu’on me présentait comme l’obstacle sur le chemin. or, actuellement, il me semble au contraire que je dois passer à travers le sentiment, la sensation de ce moi. Est-ce que je me trompe ?

ARNAUD DESJARDINS. Il faut savoir, d’une part, à quel niveau on parle, c’est-à-dire si l’on s’adresse à un débutant ou à une personne qui est déjà avancée sur le chemin et, d’autre part, si l’on s’adresse à un débutant qui est bien situé en lui-même ou à un débutant plus ou moins perturbé, y compris des perturbations qui, en Occident, relèveraient de la psychothérapie. Tous les enseignements, sans exception, et tous les maîtres sont d’accord pour dire que le but est l’effacement, la disparition d’un certain mode de conscience que l’on désigne généralement en français par  » le sens de l’ego « . Premier point, savons-nous exactement ce que nous appelons l’ego et en quoi pourrait consister l’état-sans-ego, autrement que par des définitions livresques qui nous vaudraient de bonnes notes dans des examens d’indianisme à la Sorbonne mais qui ne peuvent pas nous servir de point d’appui pour transformer notre existence, nous libérer de nos peurs et nous établir dans la sérénité?

Ma ligne de réponse personnelle, c’est que l’ego, pour être transcendé, dépassé, doit d’abord être en bon état ou en bonne santé. Même si, pour employer une image combien célèbre, la chenille doit mourir en tant que telle pour devenir papillon, une chenille malade ne fera pas un papillon. Si l’ego est trop peu structuré, comment est-il possible de vouloir tout de suite dépasser celui-ci? Comment parler d’effacement du sens de l’ego à une personne qui n’a même pas l’impression d’exister vraiment et qui se sent bloquée par différentes formes d’inhibitions et de malaises, issus de marques profondes, de samskaras en sanscrit? Certains êtres humains ne se sentent même pas le droit d’exister. Ils ont l’impression qu’ils ne sont à leur place nulle part parce que psychologiquement ils ne se sont pas sentis suffisamment aimés, soutenus, confirmés dans leur enfance. Pour que le sens de l’ego puisse s’effacer, il faut d’abord que l’ego se soit quelque peu affirmé, que cette conscience ordinaire que nous avons de nous se soit organisée, structurée, que nous soyons vraiment un ego au singulier et non pas une multiplicité de personnages ou de tendances qui nous composent et s’opposent entre elles.

Je me suis beaucoup appuyé pendant les années de ma recherche sur une formule que je considère toujours comme précieuse aujourd’hui:  » Pour se donner, il faut s’appartenir.  » On ne peut donner que ce qui nous appartient. Comment est-ce que je peux abandonner l’ego (en anglais drop the ego – Dieu sait combien de fois j’ai entendu cette expression) si ce moi est informe, privé de forme? Mon propre gourou m’a dit un jour en anglais, il y a bien longtemps:  » Arnaud, you are an amorphous crowd « , ( » vous êtes une foule amorphe « ), et comme je savais qu’il avait reçu une formation scientifique dans sa jeunesse, j’ai bien compris qu’il donnait au mot amorphe, privé de forme, un sens très précis – amorphe en chimie, c’est l’opposé de cristallisé. Une part de nous qui est touchée par une vérité – non pas seulement dans l’intellect mais dans le coeur – voudrait échapper à un certain mode de conscience que nous sentons bien comme limitatif, mais d’autres parts de nous continuent à réclamer:  » Et moi, et moi, je n’ai pas reçu ça, je n’ai pas pu faire ceci, je demande encore cela.  » Il y a donc une première étape de structuration ou même d’affirmation de l’ego avant d’envisager l’effacement de la conscience du moi dans tout ce que ce pronom présente de limitatif. Mais ce travail de structuration doit être entrepris dès le départ avec une compréhension et surtout un sentiment qui permettent l’ouverture et le dépassement. Il est important de pressentir d’emblée ce que pourrait être un état non égoïste ou non égocentrique de manière à ce que cet te première affirmation de l’ego, nécessaire au début, ne soit pas le renforcement d’une prison qui ensuite deviendrait un véritable obstacle.

Le sens de l’ego, c’est une identification – j’entends par ce mot se prendre pour ce qu’on n’est pas réellement -, une identification de la conscience au personnage que nous sommes et que nous désignons par notre nom et notre prénom. Ramana Maharshi utilise l’image d’un acteur distribué dans un rôle qui, par un phénomène que nous sommes tous d’accord pour considérer comme pathologique et relevant de la psychiatrie, se prendrait tout d’un coup pour le rôle dans lequel il est distribué. Ici, chacun peut entendre ses nom et prénom. L’ego est une hallucination qui fait que la conscience se prend pour Arnaud Desjardins au lieu de se considérer comme distribuée dans le rôle d’Arnaud Desjardins mais fondamentalement libre de ce rôle. Cette liberté, nous la retrouvons chez les enfants qui font semblant en jouant d’être un avion tout en sachant très bien au fond d’eux-mêmes qu’ils ne sont pas un avion  » dans la vraie vie « . Ce que nous appelons la carte d’identité, c’est en fait la carte des identifications majeures au nom et à la forme, pour parler comme les hindous, notre véritable identité étant totalement indépendante de ce qui est marqué sur la carte d’identité en question. Notre véritable identité donnerait à peu près: Date de naissance: jamais né; nom des parents: le brahmane la réalité absolue! Comment pouvons-nous progresser vers le moment où cette identification fondamentale va céder et où se révélera une conscience pure, sans attribut, distribuée dans un certain rôle? C’est là toute la question.

LAMA DENIS. Il y a effectivement, nous l’avons vu, de grosses erreurs dans la notion d’ego et dans celle de dépassement de l’ego. Bouddha a été appelé parfois anatma vadin, celui qui enseigne le non-ego et, partant de cette notion de dépassement de l’ego, certains se proposent d’annihiler celui-ci. L’ego est exécrable, haïssable, l’ego est à exterminer et ils s’engagent dans une guerre contre cet ego. Cette approche est une déviation et une erreur majeure. Le non-ego n’a jamais signifié qu’un côté de nous-même devait annihiler l’autre côté de nous-même. Lorsque quelque chose en nous se propose de maîtriser, de détruire quelque chose d’autre en nous, il est pertinent de se demander comme je le suggérais tout à l’heure: qui est-ce qui se propose d’annihiler, de détruire, de dépasser cet autre aspect, qui est-ce qui se propose de dépasser l’ego? Du point de vue bouddhiste, ce sujet qui a cette intention n’est autre précisément que l’ego lui-même. Cette volonté de destruction de l’ego devient une façon subtile de renforcer l’ego, l’ego se construisant avec pour propos son propre dépassement ou sa propre destruction. Il y a là un réel problème. D’autre part, il est important, avant d’envisager un dépassement de l’ego, d’avoir un ego normalement structuré. Arnaud faisait à l’instant allusion aux difficultés que l’on rencontre souvent face à des personnes qui se proposent de dépasser l’ego mais qui n’ont même pas un ego normal. Il y a, avant d’envisager le dépassement de l’ego, la nécessité d’être  » normosé « , d’avoir une névrose normale, un ego normalement équilibré. Il y a des gens qui sont névrotiquement névrosés et qui relèvent de disciplines autres que la voie spirituelle. Il y a des gens qui sont  » normosés  » et l’approche spirituelle s’adresse à ces personnes normales ou normalement névrosées.

Il existe deux niveaux dans le travail sur l’ego: d’abord la compréhension de ce qu’on appelle la transparence de l’ego et ensuite l’expérience de la non-dualité. L’expérience de la transparence de l’ego consiste à comprendre – comprendre non pas intellectuellement mais dans un vécu abordé dans la méditation assise – comment nous ne sommes pas ce à quoi nous nous identifions. En effet, nous ne sommes pas notre carte d’identité. Notre identité en tant que Pierre, Paul, Marie ou Jeanne, n’a qu’une valeur conventionnelle. Nous sommes un ensemble de samskaras, de tendances, un ensemble d’états de conscience et, sur ce flux de conscience qui constitue notre expérience habituelle, nous mettons un nom:  » moi « . A un premier niveau, il s’agit de comprendre que cette identité ou ce processus d’identification – car il n’y a pas une identité solide, une entité qui ait un caractère intègre et monolithique – est en fait et uniquement un processus, c’est-à-dire le jeu interdépendant des différents phénomènes qui nous donnent le sentiment d’être ce comme quoi nous nous vivons. Il se produit alors une désidentification ou une perception de la transparence, du manque de solidité de notre identité conventionnelle, habituelle. C’est ce qu’on appelle traditionnellement le premier niveau du non-ego.

Le deuxième niveau est l’accession à la non-dualité, c’est-à-dire à l’absence de quelqu’un qui soit le témoin de l’expérience du non-ego. Dans un premier temps, il y a la conscience de ne pas être ce à quoi nous nous identifions habituellement, il y a la conscience de la transparence de notre identité – je ne suis pas ceci, je ne suis pas cela -, mais subsiste néanmoins une appréciation qui est cette conscience d’être globale ou cette conscience de ne pas être cette identité. A ce niveau, on a encore l’expérience d’un témoin, d’un observateur, d’un point de référence. Le deuxième niveau, celui de l’expérience non dualiste, est la disparition même de ce point de référence central auquel l’expérience se rapporte. A ce moment-là, il n’y a plus même conscience du non-ego. Il y a une expérience immédiate, directe, sans la notion du sujet qui perçoit quelque chose d’autre ou qui expérimente le non-ego. Cet état est l’expérience non duelle.

Mais partons du début: au niveau psychologique, il y a la nécessité de la structuration de l’ego et la tradition nous propose un certain nombre de pratiques pour d’abord être bien structuré – ce qu’on appelle en tibétain seunamtso, le développement de bienfaits, de l’action juste. Ensuite, sur la base de cette structuration harmonieuse, juste, il est possible de dépasser l’illusion de l’ego, c’est ce qu’on appelle en tibétain yeshetso, le développement d’expérience immédiate, qui comprendra à son tour deux niveaux, le premier étant l’expérience de transparence et le deuxième le dépassement même de toute expérience – fût-ce celle même de la transparence.

La transparence de l’ego

Je voudrais demander à Lama Denis s’il peut préciser ce qu’il veut dire par transparence de l’ego et notamment s’il s’agit d’un état où l’ego serait normalisé et où l’on ne serait plus arraché à la réalité relative, par exemple à cause d’émotions ou de désirs forts qui nous empêchent de rester en contact avec la réalité telle qu’elle est? Ou bien s’agit-il d’autre chose ?

LAMA DENIS. La transparence de l’ego est l’aspect élémentaire de ce qu’on appelle dans le bouddhisme shunyata, l’expérience de la vacuité: je ne suis pas ce que j’ai l’impression d’être, je ne suis pas Pierre. Mais habituellement, je suis Pierre, je suis solide. C’est l’expérience que dans le  » p « , dans le  » i « , dans le  » e « , dans les deux  » r  » et dans le  » e  » final, il n’y a pas quelqu’un. C’est l’expérience que ce à quoi je m’identifie – cette carte d’identité qui comprend un nom, une date de naissance, une certaine situation sociale, certaines adhésions intellectuelles – n’a qu’une réalité conventionnelle. C’est l’expérience intérieure vécue du caractère relatif de cette identité.

L’expérience dans laquelle on ne s’identifie plus à ses pensées ou à ses émotions, fussent-elles grossières ou subtiles, correspond à ce qu’on appelle l’observateur abstrait. A ce stade, il y a encore la notion d’observateur, de témoin – un témoin non impliqué, un observateur abstrait dans le sens où il n’est pas solidement concret et où il ne réagit pas -, mais il reste la conscience abstraite, neutre, alors que dans le deuxième temps, la conscience même d’être abstrait ou neutre, non impliqué, n’existe plus. C’est uniquement à ce moment-là qu’il y a accession à l’expérience non duelle. La conscience, du point de vue bouddhiste, est toujours conscience de quelque chose d’autre, elle correspond toujours à un mode de connaissance duelle, c’est-à-dire que le sujet est conscient ou connaisseur de quelque chose qui lui est autre, cet autre fût-il la transparence de l’ego.

Le sujet et l’objet

Qu’est-ce qui entreprend la démarche de libération? Est-ce l’ego ou y a-t-il en nous « quelque chose » qui prenne la recherche en main?

ARNAUD. Au départ du chemin, dans les conditions ordinaires de l’existence – c’est certainement encore plus vrai pour nous, produits de ce monde occidental moderne, dans l’existence agitée, déstructurante que nous vivons aujourd’hui, que pour des êtres qui avaient un mode de vie beaucoup plus calme, ponctué de prières, de méditations, de rituels – il y a une identification massive, celle de la conscience pure à une forme apparente qui n’est que changement. Identification à nos pensées, à nos émotions, à nos sensations par lesquelles nous sommes complètement happés.

Swâmi Prajnanpad appelait cela une fausse non-dualité dans laquelle le sujet est entièrement absorbé par l’objet. Je n’ai plus aucune conscience de moi. Swâmiji insistait sur la nécessité de passer par une étape importante dans laquelle nous expérimentons un moi plus permanent, plus stable, plus réel, même s’il s’agit d’une individualité qui devra elle aussi être dépassée. C’est encore moi, mais avec une distinction claire du moi et du non-moi. Est-ce que moi en colère, c’est moi? Non, pas plus d’ailleurs que moi, fou de joie. Il s’agit donc, dans un premier temps, de découvrir un  » je  » sans attribut, sans prédicat, plus stable, plus permanent et qui procède pour commencer d’une dissociation. C’est cette distinction du sujet et de l’objet qu’on appelle  » discrimination du spectateur et du spectacle  » ou « position de témoin », witness position en anglais, sakshin en sanscrit. Mais elle n’est qu’une étape.

Donc, l’état de conscience ordinaire est une fausse non-dualité dans laquelle nous n’existons plus, non pas au sens heureux d’un effacement de l’ego mais dans le sens d’une identification inconsciente à nos fonctionnements, d’autant plus grande que nous sommes plus concernés émotionnellement. Nous ne sommes pas en possession d’une conscience stable que l’Inde compare à un fil qui passe à travers toutes les perles du collier, une conscience permanente qui s’exprimerait avant tout en termes négatifs – je ne suis pas cette pensée, je ne suis pas cette émotion, je ne suis pas cette condition physique pénible, je ne suis pas tout ce dont je peux prendre conscience qui n’existait pas hier, qui n’existera pas demain. Donc, il s’agit bien d’une dissociation. Si je suis complètement pris, le sujet et l’objet sont confondus, je suis emporté par mes pensées, mes émotions, mes sensations. Il y a absorption du sujet par l’objet. Cet objet peut être l’ensemble de nos perceptions intérieures, une émotion douloureuse, une tristesse, une surexcitation parce que nous avons reçu une bonne nouvelle, ou même des pensées un peu obsessionnelles. Une part de la sadhana, de l’ascèse, consiste en cette désidentification, cette dissociation du sujet et de l’objet.

En langage védantique, on dit que tout peut être objectivé, c’est-à-dire considéré comme un objet – y compris, je le redis, ce que d’habitude nous considérons comme tenant au sujet, c’est-à-dire les tristesses, les joies, les colorations affectives, les idées noires, les idées roses. Si le sujet est triste de constater une tristesse, ce n’est plus le sujet. Le sujet, le témoin, doit être pur, sans coloration, sans qualification, juste vision. Ce témoin, lui, est toujours identique à lui-même, tandis que ce qui est vu est tout le temps changeante Cette étape que Swâmi Prajnanpad appelait une vraie dualité est une première démarche.

Tout peut devenir objet pour un sujet qui en prend conscience. Mais du sujet lui-même, l’ultime sujet, rien ne peut prendre conscience. Mais ce je suis, ce sujet, même s’il est très pur, même s’il est sans émotion, même s’il EST parce qu’il échappe au changement, qu’il échappe au temps, a encore une certaine coloration individualisée. Je le ressens toujours quelque peu comme  » moi ». Il y a encore un dépassement possible dans lequel ce sens d’un je suis même très calme, très stable et autour duquel peut se structurer et s’organiser notre fonctionnement ordinaire, va disparaître. Le sujet perd toute référence individualisée, toute référence de séparation, de dualité et atteint une non-dualité – non-deux – qu’il est impossible d’imaginer à l’avance tant qu’on ne l’a pas expérimentée. La conscience devient alors parfaitement lumineuse, claire, souverainement détachée, mais compatible avec l’apparence d’une action, d’une décision. Toute référence individuelle s’est effacée. Pour illustrer cet état, on donne l’image de la vague qui réalise qu’elle est purement et simplement l’océan; même s’il y a des milliers de vagues, il y a un seul océan et la vague ne peut pas avoir une existence, ou un être, ou une réalité indépendante de l’océan lui-même.

Pour en savoir plus lisez « Dialogues à Deux Voies » Ed. La Table Ronde Lama D. Teundroup & Arnaud Desjardins

http://nondualite.free.fr


Sep 1 2020

L’idée secrète

L’éveil se fera sans vous, sans le “personnage” auquel vous vous identifiez. Il se fera sans lui, parce qu’il est déjà proclamé, déjà servi.

C’est bien parce que nous poursuivons nos idées sur lui, que la réalisation n’éclate pas. Parce que nous nourrissons un flot d’idées sur l’idée initiale d’un “je” que nous voudrions vrai.

Ce personnage ne tient que par un jeu, que par le discours que nous lui prêtons.

Intérieurement, qui parle à qui ?

Vous pouvez arrêter de parler, parce qu’il n’y a personne “d’autre” à qui parler.

Mais si vous voulez continuer de parler, parlez …

De toute façon, il n’y a personne d’autre.

 

http://www.denismarie.net


Juil 18 2020

L’espace de la joie

Le but de notre chemin est de connaître la joie. Une joie naturelle. La simple joie d’être. Un bonheur sans calcul qui brille de lui-même. La magie de tous les êtres qui nous entoure, la magie de ce que nous sommes, la beauté de la femme, de l’homme et de l’enfant. Un miracle permanent qui ne demande rien. Un miracle qui nous apprend à aimer toujours davantage, car l’expansion de l’amour est notre nature et la meilleur façon de vivre dans ce monde.

De belles phrases qu’il ne faut pas oublier dans notre pratique quotidienne. De grands idéaux qui demandent à s’incarner, à devenir réalité palpable. Quelle que soit notre pratique ou nos représentations spirituelles, si notre conscience s’approfondie et que notre cœur s’ouvre, alors nous sommes sur le bon chemin. Si votre pratique ne vous mène pas directement ou progressivement à un espace de joie et d’innocence, alors vous êtes en train de cultiver votre pouvoir de contrôle personnel et non l’abandon nécessaire à la vie.

L’abandon ne vous vide pas de vos forces, mais vous enseigne une autre dimension de pouvoir. Un pouvoir au service de la vie et non au service de votre ambition personnelle.

L’espace de la joie naît au creux de votre être naturel et profond. Cet espace, naît de ce que vous êtes, en essence. Il faut être très réceptif et attentif pour le découvrir, puis le cultiver. Il faut du temps et de la foi pour progressivement, faire de cet espace notre centre. Le noyau lumineux à partir duquel nous parlons, écoutons, rions, pleurons, agissons, jouons, aimons.

Petit à petit nous nous familiarisons avec cet autre état d’être, cette autre façon de vivre et d’agir. Nous devenons notre âme, l’être spirituel que nous sommes s’incarne et prodigue alors une toute autre énergie à tout ce qui compose notre quotidien. Nous réalisons que nous sommes la conscience de la vie incarnée. Nous comprenons et ressentons que nos sommes reliés à tout et à tous. Les notions de fraternité, d’unité et d’amour universel se changent en expériences concrètes.

Vous pouvez donc mesurer votre spiritualité à l’aune de votre capacité à aimer. L’espace d’accueil que vous êtes comporte-t-il un certain nombre de péages ? Combien notre ouverture est-elle conditionnelle ? C’est cela que nous devons observer. C’est cela notre chemin quotidien, être attentif au moment où nous nous fermons et nous contractons. Le moment où nous quittons la présence pour nous recroqueviller sur notre limite, sur notre problème. Nous pouvons voir chaque jour avec bienveillance ces relations où nous sommes sur la défensive ou lorsque nous essayons de faire quelque chose à quelqu’un au lieu de le respecter.

Nos peurs et nos tensions sont des formes d’expressions de la vie, elles ne sont pas mauvaises.

L’égo n’est pas un ennemi, mais une phase de notre développement. Tout comme l’enfant que nous fûmes n’est en aucun cas l’ennemi de l’« adulte » que nous sommes aujourd’hui.

Tout cela est naturel, et ne saurait en aucun cas être un problème, c’est le processus de grandir sans fin que nous sommes. On met de l’amour là où il n’y en a pas, de la paix où il n’y en a pas, etc… Ainsi nous matérialisons un monde construit sur autre chose que la compétition et les antagonismes.

Prenons exemple sur les sages et la vie, qui nous aiment quelle que soit notre condition. Aimons-nous de cette façon. Nous ne pouvons pas faire cela avec notre égo, mais avec notre véritable nature. Nous devons dépasser les histoires de toutes sortes qui composent notre petit moi et dont il se nourrit. Nous devons faire l’expérience de notre nature divine et aimante, pour faire la différence entre ce qu’est l’ouverture authentique et ce que sont les subterfuges pseudo-spirituels. Ce qui est conditionnel n’est pas de l’amour. L’amour est maintenant, gratuit, pour tous, sans condition d’énergie ou de niveau. L’amour n’est jamais plus tard, la présence à toujours lieu dans le présent. Pratiquons donc le moment présent, de toutes les manières possibles. Entrainons-nous à rester connectés avec notre source, notre centre. Cela est primordial, le reste suivra. Habituons-nous à rester confortable même sans savoir ce qui se passe ou sans avoir d’abord les explications, agrandissons notre confiance en la vie. Redevenons véritablement disciples, au lieu de vouloir forcément maîtriser ce qui arrive.

Nous sommes déjà à notre place, en train de faire et d’être ce que nous sommes censés être et faire, il n’y a pas de panacée future. Nous devons dessiller notre regard, notre perception pour prendre conscience que l’amour et la joie sont déjà là, depuis toujours. Alors en regardant le monde avec les yeux de l’amour, nous influençons notre environnement et le Nous sommes tous impliqués dans le grandir de notre société et de notre terre. Nous créons ce que nous ressentons à l’intérieur de nous. Nous pouvons donner, émaner cette joie, ce naturel, au lieu de l’exiger des autres et du monde. Mais nous devons d’abord le trouver en nous, le cultiver, le devenir, alors nous ne demanderons plus à ce qui nous entoure de nous remplir. Nous pourrons donner sans attente de retour, ce qui est en nous, ce qui est nous, en essence, un espace de joie.

Nous devons découvrir par nous-mêmes pourquoi il est dit que « Dieu est amour », ce que signifie vraiment « la terre est pure pour qui a le cœur pur » ou « nous sommes tous des frères ». Cela ne doit pas rester lettre morte, discours vide ou belles paroles.

La présence est le chemin qui nous mène à ressentir pour de bon ces vérités spirituelles, pour qu’elles ne soient plus que spirituelles, mais également corporelles, matérielles. La matière attend d’être reconnue aussi divine que le pur esprit, le corps attend d’être aimé à l’égal des anges. Si « tout est Dieu » et que « ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », il nous faut arrêter de diviser le réel entre sacré et profane, entre divin et animal, entre notre enfer aujourd’hui et notre paradis plus tard. Seuls notre perception et notre conception des choses nous séparent du plus grand amour.

Pour cela, il ne s’agit pas de croire ou de faire partie d’un groupe. Il ne s’agit pas d’avoir raison ou d’être du « bon côté ». Il s’agit simplement d’être humain et de regarder au fond de soi ce qu’il y a, ici et maintenant. Etre là. Le reste suivra. Cela peut paraître simpliste, néanmoins rien ne nous empêche d’essayer pour voir si cela marche, et de vérifier par nous-mêmes ce qu’il en est. Bien que l’on puisse être aidé et accompagné, cela ne dépend pas de quelqu’un d’autre.

Par Sébastien Fargue
http://www.soleil-levant.org

Juil 15 2020

Tout est rêve…

Tout est rêve parce que nous ne pouvons pas connaître la réalité, es-tu d’accord avec ça ?
Non, tout est rêve parce que la conscience est du rêve et seulement du rêve.
La réalité n’a rien à voir là dedans.
Pour toi la réalité est une sorte de vérité inhérente à ce qui est, pour moi la réalité est une image qui apparaît au fond de notre esprit.
Il n’y a jamais deux fois la même réalité, jamais deux fois la même image au fond de notre esprit et comme les choses n’ont aucune forme réelle, toute autre représentation de la réalité n’est qu’une duperie de notre ego.
Oui, il y a bien des images qui apparaissent jamais les mêmes, mais pourquoi dire que cela est « réalité » ?
Je ne dis pas cela mais si tu utilises ce mot et ce concept, je suis bien obligé de te répondre avec eux.
Le mot « réalité » n’existe pas dans mon vocabulaire. Lire la suite

Mai 24 2020

« Je ne recherche pas la perfection. Cela étant dit. Tout est parfait. » -ML

 

Tout est parfait!

Une citation de mon cru. Mon inspiration pour cette citation est un mélange de mes lectures de Spinoza et de la philosophie non-dualiste. -ML

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