Je Suis Celui qui Suis

Si l’animé est libre de choisir le comportement qu’il veut adopter, il doit être conscient que chacun des choix qu’il peut faire a déjà été prévu, dans le sens qu’il sont tous obligatoirement déjà inclus dans le Tout, et qu’à chacun d’entre eux correspond une réponse.

Si tous les choix possibles ont déjà été envisagés, toutes les réponses possibles ont elles aussi déjà été déterminées. C’est la caractéristique d’un Tout qui contient entre autres, à la fois toutes les questions, tous les choix possibles, et toutes les réponses correspondantes.

Il n’existe donc pas de choix sans réponse préétablie. Tout existe dans le Tout et n’existe que dans le Tout.

En fait, la possibilité de choix bien qu’infinie en théorie est en réalité totalement illusoire puisque tous les choix ont déjà été faits et toutes les réponses ont déjà été formulées.

Seule la possibilité est donnée à l’Animé de croire qu’il peut faire un choix jusqu’à ce qu’il prenne conscience que le seul choix qu’il puisse faire est celui de ne plus faire de choix ou, en d’autres termes, de choisir ce pourquoi il a été créé, ce pourquoi il Est, c’est-à-dire et comme le dit Ibn Arabi : « être un reflet du Tout ».

Mais pas un banal reflet tel que pourrait renvoyer un simple miroir, mais un reflet conscient c’est-à-dire un reflet qui réfléchit volontairement l’ensemble de ce qu’est le Tout.

C’est-à-dire un reflet du Tout dans tout ce qui fait qu’il est le Tout tout en étant conscient, que le reflet lui-même et ce qui permet à ce reflet d’exister fait également partie du Tout.

C’est l’illusion de l’indéterminé qui va conduire l’Animé au déterminé.

Une précision est à apporter ici car l’ensemble du descriptif qui vient d’être présenté pourrait faire croire qu’il existerait d’un côté la Source de l’image et de l’autre, le Reflet de ladite image.

Cette séparation est erronée et n’est envisageable que temporairement et que pour essayer de démontrer l’indémontrable, l’Inconcevable comme le dit L. Franck.

Le Tout est tout sans aucune séparation. Ce qui sépare n’est que le mental humain qui a de la peine à concevoir d’être à la fois « en » quelque chose et « pénétré par » cette même chose.

Et quand on dit « chose », la formule serait plutôt de dire « ce dont on parle » tout en sachant que ce « ce dont on parle » n’a aucune réalité car dès que je veux parler de quelque chose qui n’est pas moi, je ne parle en fait que de « moi ».

Mais comme la progression vers la prise de conscience, sauf de rares exceptions, ne peut se faire que graduellement, en fonction de l’éveil de chacun, c’est pour amener à cette prise de conscience du seul choix possible que les Animés disposent du libre-arbitre.

Ils sont libres de choisir ce que bon leur semblent et ils obtiennent en contrepartie la réponse adéquate. Soit ces choix s’inscrivent dans la Logique du Tout c’est-à-dire qu’ils permettent à l’Animé de manifester un parfait reflet du Tout soit, ils ne le manifestent qu’imparfaitement ou pas du tout.

Tout est donc une question de manifestation car, si c’est le Créateur qui fait la Manifestation, a contrario, c’est la Manifestation qui révèle l’existence d’un Créateur.

Sur le plan humain, les choses peuvent s’expliquent ainsi. Dire, « Je suis Ceci » ou « Je suis Cela » ne prouve pas que « Je suis ce que je dis » mais exprime une vue de l’esprit qui indique que je me situe en théorie dans cette perspective.

N’importe qui peut dire, « Je suis un oiseau », mais cela ne veut pas dire qu’il l’est réellement. La seule façon de manifester un état particulier ou quelconque n’est pas de l’affirmer mais de le Vivre, de l’Être et de le Manifester par ses actes.

Seuls les autres pourraient dire en voyant un homme-oiseau, « c’est un oiseau ».

Nous comprenons par là que « les autres » étant à l’extérieur de l’homme-oiseau, ont la liberté de pouvoir qualifier la Manifestation ou la Réalité qu’ils ont devant les yeux en la nommant.

L’homme-oiseau qui, désireux de prouver son état, et ne pouvant de ce fait parler de lui en disant « Je suis un oiseau », ce qui serait une affirmation et non une preuve, choisira plutôt d’exprimer la Manifestation qui caractérise son état d’être un oiseau, par exemple, en battant des bras et en prenant son envol.

C’est certainement pour cette raison que la plupart des textes issus de la Tradition parlent d’une Manifestation (du Divin) sans jamais faire référence à une déclaration verbale ou écrite. C’est peut-être aussi pour cela qu’après avoir créé tout ce qui existe sur cette Terre, et ce dans tous les règnes, le Créateur a demandé à sa Créature de nommer Ses Créations parce qu’étant dans l’impossibilité de le faire Lui-Même.

« Alors le Seigneur qui avait façonné de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux des cieux, les amena à l’homme pour voir comment il les appellerait ; tout être vivant devait ainsi porter le nom que l’homme lui donnerait ».

Pourquoi est-ce à l’Animé de nommer les Créations et non au Créateur ? Une des réponses pourrait être de dire que comme seul le Tout existe et que tout ce qui existe fait partie de Lui, toutes ses Créations ou Manifestations porteraient à ce moment-là un seul et même nom, le Sien.

Nom qui ne pourrait même pas être pensé puisque le Tout n’a aucun besoin de Se nommer ni de nommer Ses Manifestations puisqu’il est Tout, y compris Ses Manifestations.

Encore une fois, ce n’est que grâce à Ses Manifestations que l’on peut supposer la Réalité du Créateur car Sa Réalité est inconcevable dans le sens d’inexprimable. Elle ne peut être QUE vécue.

Cette impossibilité de nommer le Tout fait penser à certains textes de différentes traditions religieuses qui interdisent de prononcer le nom du Créateur, interdiction qui fait croire à certains que ce nom est secret, caché ou réservé à une élite ou à des élus.

La vérité semble être toute différente puisque ce nom risque fort bien de ne pas exister car personne, y compris le Tout, ne peut l’exprimer.

Nous avons vu que dès que le Tout l’exprimerait, ce qui est impossible, ou que quelqu’un d’autre l’exprimerait à sa place, ils se situeraient automatiquement à l’extérieur du Tout, ce qui, nous l’avons aussi vu, est totalement impossible puisque seul le Tout existe et qu’il ne peut en partie ou en totalité être situé à l’extérieur de Lui-Même.

Ibn Arabi ajoute :

« D’autre part, les noms divins se reflètent dans la création, ils ne s’y incorporent pas. La thématique du miroir de la création dans lequel Dieu se reflète par l’intermédiaire de Ses noms divins n’est pas le fruit du hasard, elle intervient pour interdire toute assimilation de l’essence divine avec la substance de la création ».

Ce nom interdit de prononciation est supposé être le tétragramme Y.H.W.H. Souvent présenté comme le nom propre hébreu de Dieu il est équivalent au verbe « être » en français. Ce nom n’est pas prononçable pour le judaïsme. Le christianisme, en revanche, l’a transcrit et prononcé de différentes manières, jusqu’à ce que l’église catholique décide en 2008 de le remplacer par l’appellation « le Seigneur » qui, il faut le remarquer n’est pas un nom propre en soi mais un statut représentatif d’une fonction.

De l’avis général des grammairiens juifs du Moyen Âge, conforté par celui de Baruch Spinoza, Y.H.W.H. correspond à « être » ou « devenir ». A la troisième personne du masculin singulier, il prend l’aspect accompli de « Il a fini d’être » et la forme à l’aspect inaccompli de « Il se prépare à être ».

Sa signification pourrait s’énoncer ainsi : « Il se prépare (à être) en étant » ou « En étant Il devient » ou encore, « Il n’a jamais fini d’être ». Le besoin de donner un nom à la Réalité trouve son explication dans La Bible en Ex 3.13-14 (épisode du Buisson Ardent) lorsque Moïse dit à Elohim (Dieu) (Pour les citations, wikipedia.org) :

« […] je vais trouver les Israélites […] mais s’ils me disent « Quel est son nom » que leur dirai-je ? Elohim dit à Moïse : « Je suis ce que je suis […] » voilà ce que tu diras aux Israélites : « Je serai qui je serai « ou plus métriquement, « que je sois qui je serai m’a envoyé vers vous ».

Dans La Bible de Jérusalem, l’expression est rendue par « Je suis celui qui suis » (traduction de La Bible, Louis Segond 76 1910) ou encore « Je suis qui Je serai ». La Bible du Rabbinat parle de « l’Être invariable ». Dans Le Livre de Jean du Nouveau Testament, selon la Traduction œcuménique de la Bible et La Bible en français courant, Jésus se déclare lui-même être : « Je Suis » 77.

Dans le Discours d’Hermès à son fils Tat (déjà cité), il est dit :

« Tel est le Dieu supérieur à son nom, invisible et apparent, qui se révèle à l’esprit, qui se révèle aux yeux, qui n’a pas de corps et qui a beaucoup de corps, ou plutôt tous les corps, car il n’est rien qui ne soit lui et tout est lui seul. C’est pourquoi il a tous les noms, car il est le père unique, et c’est pourquoi il n’a pas de nom, car il est le père de tout. »

Ou encore du même Trismégiste :

« Personne ne prétend qu’une statue ou un tableau peut exister sans un sculpteur ou un peintre, et cette création n’aurait pas de créateur ? Ο aveuglement, ô impiété, ô ignorance ! Garde-toi, mon fils Tat, de priver l’œuvre de l’ouvrier ; donne plutôt à Dieu le nom qui lui convient le mieux, appelle-le le père de toutes choses, car il est l’unique, et sa fonction propre est d’être père ; et si tu veux que j’emploie une expression hardie, son essence est d’engendrer et de créer. Et comme rien ne peut exister sans créateur, ainsi lui-même n’existerait pas s’il ne créait sans cesse, dans l’air, sur la terre, dans les profondeurs, dans l’univers, dans chaque partie de l’univers, dans ce qui existe et dans ce qui n’existe pas. Car il n’y a rien dans le monde entier qui ne soit lui, il est ce qui est et ce qui n’est pas, car ce qu’il est il l’a manifesté, ce qui n’est pas il le tient en lui-même.

« Tel est le Dieu supérieur à son nom, invisible et apparent, qui se révèle à l’esprit, qui se révèle aux yeux, qui n’a pas de corps et qui a beaucoup de corps, ou plutôt tous les corps, car il n’est rien qui ne soit lui et tout est lui seul. C’est pourquoi il a tous les noms, car il est le père unique, et c’est pourquoi il n’a pas de nom, car il est le père de tout. Que peut-on dire de toi, que peut-on te dire ? Où porterai-je mes regards pour te bénir, en haut, en bas, en dedans, en dehors ? Nulle voie, nulle place qui soit hors de toi, il n’existe pas d’autres êtres, tout est en toi, tout vient de toi, tu donnes tout et tu ne reçois rien ; car tu possèdes tout et il n’y a rien qui ne t’appartienne. »

http://www.kyreus.com

Comments are closed.