Qohélet…la suite

Qohélèt: sur quoi reconstruire?

Tout cela, j’y ai réfléchi ; ce que j’ai constaté, c’est que les justes, les sages et leurs labeurs ont dans la main de Dieu ; l’amour comme la haine, l’être humain ne les connaît pas ; tout est devant lui.

Tout arrive également à tous : même sort pour le juste et pour le méchant, pour le bon, pour le pur et pour l’impur, pour celui qui sacrifie et pour celui qui ne sacrifie pas ; il en est du bon comme du pécheur, de celui qui prête serment comme de celui qui craint le serment.

Voici un mal parmi tout ce qui se fait sous le soleil : c’est qu’il y a pour tous un même sort; aussi le cœur des humains est rempli de mal, et la démence est dans leur cœur pendant leur vie ; et après… chez les morts !

Qohélèt 9:1-3

Fragments d’un vieux manuscrit du Qohélèt

Sommes-nous prêts, nous humains, à entendre une telle parole? Sommes nous prêts à accepter que le même sort va échoir à tous et à toutes, mêmes aux pires crapules?

Dans ce passage, et dans son livre en général, Qohélèt s’oppose avec mordant à deux autres livres de la Bible : les Psaumes et les Proverbes. Livres qui sont éminemment plus connus et plus lu que l’Écclésiaste.  Ces deux livres présentent, sous bien des aspects, une vision de la vie où le Dieu comble les gentils et où le méchant finira par avoir son châtiment. Or, tout comme Job, Qohélèt réalise bien la naiveté et la futilité de tout cela. Encore aujourd’hui, après des siècles de réflexion sur le sort humain, force est de constater que la justice de Dieu opère de façon totalement mystérieuse, en dehors de la logique humaine de rétribution.

Pour combler à cette apparence d’injustice, l’être humain a imaginé une après-vie où, enfin, justice serait rendue comme il le voudrait : le méchant en enfer, le gentil auprès de Dieu. Mais de plus en plus, on réalise que le concept d’enfer-paradis n’est qu’une projection sur Dieu de notre désir de vengeance. Je ne sais pas ce qu’il y a après la mort. Mais j’envisage sérieusement que le Qohélèt a raison, que le même sort attend chaque être humain. Un état (appelé en hébreux Sheol) sans activité, sans connaissance, sans raison, sans sagesse, comme on le lira plus loin . Un état dont la description ressemble, ma foi, à celle que les bouddhistes font du Nirvana!

Et puis si la mort est vraiment la fin de notre petit moi, quel est le sens de cette vie?

Va, mange ton pain avec joie, et bois ton vin le cœur content : déjà Dieu a agréé tes œuvres.

Qu’en tout temps tes vêtements soient blancs, et que l’huile ne manque pas sur ta tête.

Jouis de la vie avec la femme que tu aimes, pendant tous les jours de la vie futile que Dieu t’a donnée sous le soleil, pendant tous tes jours futiles ; car c’est ta part dans la vie et dans le travail que tu fais sous le soleil.

Tout ce que ta main trouve à faire, avec ta force, fais-le ; car il n’y a ni activité, ni raison, ni connaissance, ni sagesse dans le séjour des morts, où tu vas.

Qohélèt 9:7-10

Tout d’abord, j’aimerais attirer votre attention sur une formulation qui revient régulièrement dans le texte, « sous le Soleil ». L’interprétation classique y voit une distinction entre le monde terrestre et le monde céleste qui serait au-dessus du Soleil. Mais on peut également voir la chose ainsi : le Soleil est le signe du temps qui passe, il se lève et se couche, il délimite les jours et les nuits. Ainsi, vivre « sous le Soleil », c’est vivre avec un attachement à la temporalité, vivre pour ce qu’on sera demain, pour ce qu’hier nous a préparé. Ainsi, tout le Qohélèt prend son sens : il faut chercher sens à sa vie dans le moment présent, à l’intérieur même du Soleil quoi!

« Dieu a déjà agréé de tes œuvres ». Bref, puisque que la seule réalité de la vie est ici, maintenant, on peut supposer que le jugement de Dieu est déjà posé, quel qu’il soit. Puisqu’il nous connait mieux que nous nous connaissons nous-mêmes, il ne faut pas vivre en fonction de ce qu’il va penser de nous, mais plutôt vivre et profiter du moment présent, manger, boire, faire un travail qui est bon. Profiter de l’amour que l’on reçoit et donne. Agir avec justice, non pas parce que ça va nous rapporter quelque chose plus tard, mais agir avec justice parce qu’on a simplement la conviction que c’est ce qu’il faut faire de notre main, avec la force qu’on a, que Dieu nous a donnée . C’est la seule chose que les jours que Dieu nous donne sous le soleil peuvent nous apporter.

Le moment présent… Y-a-t-il une fondation plus solide sur la laquelle construire sa vie?

http://soyezpassants.blogspot.com

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