UN MOT DE HOUANG-PO…

Houang-Po, maître tchan du IX ème siècle et ayant eu comme principal disciple Lin-Tsi (Rinzaï), dit un jour à un élève:

« Il n’y a rien hors de l’esprit, ni non plus dans l’esprit. Que cherchez-vous donc? »

Faut-il en déduire une stricte existence de l’esprit, de « l’esprit seul »? Que deviendrait un esprit sans objet et sans sujet? Que deviendrait une lampe sans rien à éclairer et personne pour l’éclairer elle-même? S’éclairerait-elle elle-même? D’où tirerait-elle ce besoin? Le soleil s’éclaire-t-il lui-même?

Nous commençons à comprendre que la conscience (ou l’esprit) ne trouve aucun appui sur lequel reposer son regard, rien de substantiel, aucune existence en elle, et bien sûr, aucun socle sur lequel elle-même puisse prendre appui, aucune existence en-dehors d’elle-même. Par conséquent, nous en venons à douter de sa propre réalité. Et par conséquent, la vérité ne repose pas sur l’esprit seul, ni sur elle-même mais sur sa venue à existence à une conscience non-préhensile. Pourquoi? Parce qu’il y a bien des formes, sans cesse, apparaissant, et qui sont non-deux avec l’esprit. Une interrelation, qui est le véritable sens, non l’objet seul ou la conscience seule. Mais ces formes demeurent insaisissables en elles-mêmes, inexistantes dans leur apparence, transparentes, sans consistance. Nous commençons à percevoir cette inexistence, ce vide, dans une conscience délivrée de son mode habituel d’appréhension direct et conceptuel, attaché.

Lorsque l’esprit cesse d’être centré, sur lui-même ou un autre, la véritable face des choses commence à apparaître. Peut-être au début un flou artistique, un doute sur la réalité de ce qui nous entoure, donc un doute sur la réalité propre des causes de notre souffrance, de notre égarement. Nous commençons à caresser le mode véritable d’existence des choses et de soi. Car il ne suffit pas de crier « y a personne » ou « y a rien », faut-il encore avoir une claire compréhension de l’inconsistance des choses, que cette inconsistance prenne chair, si je puis dire. Voir la vacuité, voir l’impermanence, voir le non-soi de toute chose, c’est être la vacuité, l’impermanence, le non-soi. Et être ces choses, qui sont essentiellement « négatives » n’est pas un arrêt dans le monde, ni du monde, une connaissance figée. L’être est sans nature propre, il est le changement même, ce qui en soi interdit toute réponse définitive et rigide.

Nous devons investiguer. La conscience est un continuum; et ce continuum est celui du monde, du changement, infiniment souple. Et ce continuum trimballe avec lui, en quelque sorte, la clarté à propos de la nature (délivrée d’existence) de toute chose. Donc la conscience est un fonctionnement, partie intégrante du flux universel, et son mode de fonctionnement est la production conditionnée, la vacuité, dont elle a la perception. La conscience ne projette pas ni ne crée le monde, elle est consciente, intègre le mode d’être du monde. Acceptant de ne pas être une existence ultime, elle laisse place à l’émergence majestueuse de la vérité ultime, sans la transformer à son tour en existence ultime. Car la vacuité n’existe pas…Donc, il arrive le moment où la conscience perçoit la vacuité sans en maintenir la connaissance ou le savoir. Arrive le moment où la conscience perçoit la vacuité sans être fixée sur elle. Car si elle se fixe, elle l’érige en existence, or, la vacuité est un « objet » particulier, un objet qui n’apparaît pas, puisque étant vide, il n’est pas né, donc ne peut disparaître donc apparaître…

De tout cela une véritable tranquillité se fait jour, un silence, lui-même fruit de cette compréhension sans contenu. Et tout fruit n’existant pas en solitaire, le sage ne repose sur rien, fusse sur cette compréhension.

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